MÉMOIRE DU CONSEIL DU PATRONAT DU QUÉBEC

Le Conseil du patronat du Québec a pour mission de s'assurer que les entreprises disposent au Québec des meilleures conditions possibles - notamment en matière de capital humain - afin de prospérer de façon durable dans un contexte de concurrence mondiale. Point de convergence de la solidarité patronale, il constitue, par son leadership, une référence incontournable dans ses domaines d'intervention et exerce, de manière constructive, une influence considérable visant une société plus prospère au sein de laquelle l'entrepreneuriat, la productivité, la création de richesse et le développement durable sont les conditions nécessaires à l'accroissement du niveau de vie de l'ensemble de la population.

Introduction

Le Conseil du patronat du Québec est heureux de présenter ses recommandations en vue de la préparation du budget fédéral 2012-2013. Nous souhaitons refléter dans les commentaires suivants les préoccupations des entreprises et des associations patronales sectorielles que nous représentons. Dans le contexte économique actuel encore incertain, notamment en ce qui a trait à la reprise économique chez notre principal partenaire commercial, les États-Unis, et l’effet du lourd endettement de plusieurs pays européens, la vigilance est de rigueur. Parallèlement, et au-delà du court terme, il faudrait continuer de miser sur des actions assurant un avantage concurrentiel au Canada et une croissance économique soutenue.

1. Poursuivre le plan de contrôle de la croissance des dépenses de fonctionnement en vue de réduire le déficit et revenir à l’équilibre budgétaire

Le retour rapide à l’équilibre budgétaire demeure primordial selon nous. Le Conseil du patronat du Québec encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour revenir à l’équilibre budgétaire dès 2014-2015 et ce, en s’assurant d’un meilleur contrôle des dépenses publiques, notamment grâce à l’examen de révision stratégique, et sans toucher aux transferts aux provinces. Nous soulignons notre appréciation de l’engagement du gouvernement à poursuivre le même rythme de progression des transferts en santé sur lesquels comptent les provinces. Nous espérons que le même traitement sera accordé aux transferts au titre de l’éducation postsecondaire. Il serait pertinent par ailleurs d’entreprendre dès maintenant les négociations entre le gouvernement fédéral et les provinces pour l’après-2014 par souci d’une bonne préparation et de prévisibilité.

2. Les infrastructures et le pont Champlain

Les investissements dans les infrastructures de transport sont essentiels au bon fonctionnement de l’économie. Contrairement à d’autres dépenses, il s’agit là d’exemples d’investissements en vue d’une croissance soutenue et durable. Le Québec fait face à une problématique historique en ce qui touche son réseau de transport (routier et autres) et ses infrastructures. Loin de vouloir quémander, ce qui n’est pas notre habitude, nous estimons que le gouvernement fédéral devrait contribuer de façon substantielle à la solution du problème et à la mise à niveau des infrastructures pour avoir un réseau routier performant et sécuritaire.

Nous pensons notamment, mais non exclusivement, à la reconstruction du pont Champlain. Ce pont constitue une infrastructure stratégique et névralgique de première importance. Les experts jugent sa reconstruction obligatoire et urgente. Il s’agit là d’un enjeu économique majeur non seulement pour Montréal, mais aussi pour le Québec et pour le Canada.

Tout plan à considérer pour son renouvellement devrait assurer le maintien de la fluidité de la circulation, tant pour les automobiles que pour les camions, faute de quoi une entrave directe à l’économie en résulterait. Une plus grande prospérité économique entraîne nécessairement un plus grand achalandage de camions et d’automobiles. Le gouvernement pourrait envisager finalement l’idée de péage pour contribuer à son financement.

Nous avons à l’esprit également d’autres projets de transport, telle la navette ferroviaire aéroport de Montréal-Centre-ville, un projet essentiel qui comporterait des bénéfices économiques et environnementaux considérables.

3. L’innovation et l’aide aux entreprises

Le niveau et la croissance de la productivité demeurent des talons d’Achille de l’économie canadienne. Le Canada se classe au 18e rang sur 32 pays de l’OCDE pour ce qui est de la productivité par heure travaillée en 2009 (il occupait le 15e rang en 2008).

Cet état de fait est dû notamment à la faiblesse de la croissance de la productivité multifactorielle, laquelle mesure, de façon générale, l’efficacité de l’utilisation de la main-d’œuvre et du capital dans l’économie. La faiblesse de la productivité multifactorielle, à son tour, est due en grande partie au faible niveau d’innovation dans les entreprises.

L’innovation est au cœur des activités de création et d’amélioration de la compétitivité des entreprises canadiennes et du niveau de vie des Canadiens. Il est donc important que les politiques publiques favorisent plus d’innovation et une plus grande contribution de l’innovation à la croissance économique. Cela est d’autant plus nécessaire que la contribution de la main-d’œuvre ira en diminuant en raison de la démographie.

Nous estimons qu’il y a lieu de revoir la façon dont l’aide aux entreprises est structurée à l’intérieur de l’enveloppe budgétaire existante. Il s’agit essentiellement de simplifier le processus et de s’assurer que cette aide contribue davantage aux efforts d’innovation et de création de richesse par les entreprises et, par conséquent, contribue davantage à la compétitivité et à la prospérité de l’économie canadienne.

Plusieurs voix se sont élevées récemment pour dire, par exemple, que l’aide actuelle à la recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE) ne répond pas pleinement aux besoins des entreprises. Nous partageons ce constat et nous sommes d’opinion qu’une révision est nécessaire. Il faudra être vigilants cependant et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Les crédits d’impôts à la RS&DE ont leur mérite; ils ont aidé plusieurs entreprises dans leurs efforts d’innovation. Il faudrait revoir par contre les critères d’admissibilité à cette aide pour inclure davantage d’activités véritablement innovantes et reconnaître que l’innovation dépasse largement la recherche et le développement. Aussi, le processus aurait tout avantage à être simplifié et à être plus prévisible, car des sommes considérables sont souvent dépensées par les entreprises uniquement en efforts pour se conformer aux exigences du programme.

Il faut reconnaître également que la commercialisation à l’international constitue le principal enjeu actuel des entreprises innovantes et qu’il faut y porter une attention particulière.

Enfin, l’idée de rendre ces crédits remboursables pour les grandes entreprises devrait être envisagée dans le cadre de la révision.

Un groupe d’experts examine ces questions et nous espérons que leurs travaux prendront en considération ces aspects et ces pistes prometteuses.

Nous proposons aussi, afin d’aider les entreprises manufacturières dans leurs efforts d’innovation et de création, d’étendre l’aide offerte présentement par l’Office des technologies industrielles (OTI) aux entreprises manufacturières.

Finalement, des politiques de marchés publics pourraient être favorables à l’innovation et à la commercialisation de l’innovation afin d’en accélérer l’adoption chez nous et l’exportation à travers le monde.

4. L’assurance-emploi et la formation

Des travailleurs bien formés sont plus productifs et sont mieux équipés pour affronter les changements dans le marché du travail. Les efforts doivent être poursuivis dans le domaine de la formation pour s’assurer de s'attaquer aux problèmes qui nuisent à l’équilibre du marché de l'emploi. Voici nos principales recommandations à cet égard :

·         Alors que le Pacte pour l'emploi Plus arrive à échéance, force est de remarquer qu'il y a nécessité d'aider les travailleurs à la recherche d'un emploi qui ne reçoivent pas ou ne reçoivent plus de prestations d'assurance-emploi, notamment ceux de 45 ans et plus, les travailleurs immigrants ainsi que les jeunes arrivant sur le marché du travail. Le Conseil du patronat est d'avis que le Pacte pour l'emploi Plus devrait être renouvelé.

·         Il faudrait penser introduire un crédit d’impôt pour les dépenses de formation structurée à l’occasion de l’implantation de nouveaux investissements. Les investissements en machinerie et équipements et en technologies ne peuvent être productifs s’ils ne sont pas accompagnés d’investissements en capital humain. Ce crédit d’impôt pourrait être étendu ultérieurement à l’ensemble des dépenses de formation structurée et pourrait être déduit des cotisations à l’assurance-emploi.

·         Il existe actuellement un crédit d’impôt fédéral pour les dépenses de formation structurée visant les apprentis dans certaines catégories nommées « sceaux rouges ». Les employeurs que nous représentons souhaiteraient que cette mesure soit étendue aux autres apprentissages gérés par la Commission des partenaires du marché du travail au Québec.

·         Nous croyons également qu’il y aurait lieu d’explorer de nouvelles avenues pour améliorer l’efficacité des fonds destinés à la formation dans le programme d’assurance-emploi. Il faudrait pouvoir les utiliser, entre autres, pour la reconnaissance des compétences et la formation en milieu de travail.

Les cotisations à l’assurance-emploi

Les taux de cotisations à l’assurance-emploi ont été gelés pour 2009 et 2010, ce qui a aidé sûrement les entreprises à contenir leurs coûts à ce chapitre. Ils ont augmenté de 0,07 $ par 100$ assurable pour les employeurs en 2011 et augmenteront de 0,14 $ pour les années 2012 et 2013.

Il nous apparaît fondamental de s’assurer que le financement du régime respecte la capacité de payer des employeurs.

Compte tenu de l’évolution récente de la caisse d’assurance-emploi et de son important déficit de départ, nous croyons que le gouvernement fédéral ne saurait assumer pleinement ses responsabilités sans contribuer lui-même à ce fonds. Voici deux options - pouvant être mises en œuvre séparément ou en combinaison - qui, selon le Conseil du patronat, devraient être considérées pour éliminer le déficit et maintenir à un niveau raisonnable les cotisations des travailleurs et des employeurs :

·         Le gouvernement fédéral contribue directement à renflouer la caisse d’assurance-emploi

Le gouvernement assume le plus gros du financement du déficit. Il pourrait accroître son engagement financier dans la caisse d’assurance-emploi par un investissement beaucoup plus important que les 2 milliards promis initialement, en y investissant les sommes qui sont régulièrement consacrées aux mesures de nature sociale du programme d’assurance-emploi et celles qui ont servi à financer les mesures exceptionnelles supplémentaires prises durant la crise financière.

·         Le gouvernement recommence à contribuer à la caisse d’assurance-emploi dans une proportion de 20 %, comme il le faisait avant l’adoption de la Loi sur l’assurance-chômage, en 1971./p>

Avec cette option, les travailleurs cotisants et leurs employeurs pourraient recommencer à contribuer, comme ils le faisaient auparavant dans une proportion de 40 % respectivement. Une telle contribution du gouvernement pourrait se faire sur une base graduelle et permettrait de garder les cotisations des travailleurs et des employeurs à l’intérieur de limites raisonnables.

À défaut de réinstaurer une contribution gouvernementale, il faudrait rétablir un partage plus équitable des coûts entre les employeurs et les travailleurs, pour passer progressivement du partage actuel de 60 % employeur et 40 % travailleur, à une contribution de 50 % pour chaque groupe.

5. La lutte contre la contrebande des produits du tabac

Après une diminution apparente de la contrebande des produits du tabac, il semble qu’il y aurait une résurgence du phénomène depuis quelque temps. Évidemment, nombreux sont ceux qui attendent que le   gouvernement fédéral intervienne afin de régler définitivement le problème et favoriser ainsi un environnement fiscal des produits du tabac qui soit équitable pour toutes les entreprises concernées - manufacturiers, distributeurs et détaillants. On ne peut pas s’enfouir la tête dans le sable et ignorer que la source du problème émane de quelques réserves autochtones. Nous incitons le gouvernement à renforcer son plan d’action pour lutter plus efficacement contre le tabac de contrebande. Ce problème continue de priver l'État de revenus substantiels vu les pertes fiscales qui en découlent et de causer une concurrence déloyale aux dépens des entreprises qui agissent en toute légalité.

6. L’impôt des sociétés

Le Conseil du patronat est heureux de constater la volonté du gouvernement de poursuivre le plan de réduction de l’impôt sur le revenu des sociétés déjà annoncé (15 % en 2012) dans le but d’assurer une fiscalité concurrentielle pour les entreprises canadiennes. Cette baisse entraînera davantage d’investissement privé, tant domestique qu’étranger, ce qui contribuera au relèvement de notre productivité, à la création d’emplois de qualité et au rehaussement du niveau de vie des Canadiens. Rappelons, de plus, qu’il a été estimé que le vrai « coût » de la baisse de 3 points de pourcentage en 2011 et 2012 s’élèverait, tout compte fait, à une centaine de millions de dollars. Elle est primordiale par contre pour assurer que le secteur privé prenne le relais du public et que l’investissement privé augmente pour que la productivité augmente. Un autre facteur qui explique d’ailleurs notre faible productivité est le faible niveau d’investissement par travailleur, et notamment en technologies de l’information et de la communication (TIC). L’investissement en TIC par travailleur au Canada est de moins de 60 % du niveau américain.

Il est important également que le gouvernement fédéral continue d’inciter les provinces à atteindre un taux d’impôt global de 25 % (15 % fédéral, 10 % provincial).

7. L’ouverture des marchés et l’allégement réglementaire

Nous encourageons le gouvernement dans ses négociations en vue de conclure des accords de libre-échange avec d’autres pays et d’autres régions du monde, particulièrement l’Union européenne et l’Inde. Nous l’encourageons de même à poursuivre ses efforts pour alléger le fardeau réglementaire et administratif des entreprises et avoir un cadre réglementaire concurrentiel comparativement aux régimes de nos principaux partenaires de commerce international.

En conclusion, le gouvernement doit s’employer à aider toutes les entreprises canadiennes, grandes et petites, pour qu’elles puissent prospérer et contribuer à la prospérité du Canada et des Canadiens.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à nos propositions, et nous espérons qu’elles vous seront utiles dans le processus d’adoption des politiques budgétaires. Nous sommes confiants qu’elles permettraient de mener le Canada vers une relance plus durable.